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Oku-no-in : fantômatique Koyasan

Parmi les lieux à l’aura mystique les plus impressionnants qu’il m’ait été offert de visiter, je peux aisément classer Oku-no-in, le cimetière bouddhique du Mont Koya au Japon, au premier rang.

Koyasan est sur la liste de tous les voyageurs intéressés par la spiritualité, la culture et les temples, qui se rendent un jour au Japon. Située dans la préfecture de Wakayama au Japon, nichée au creux d’un mont verdoyant en été, très isolé en hiver, Koyasan est un important centre du bouddhisme Shingon, ou « bouddhisme ésotérique », une branche du bouddhisme japonais fondée par Kūkai (également connu sous le nom de Kōbō-Daishi).

Ainsi, Koyasan abrite de nombreux temples et sanctuaires, dont le temple Kongobu-ji, le mausolée de Kōbō-Daishi lui-même et le célèbre cimetière d’Oku-no-in, qui abrite les tombes de nombreux personnages historiques importants. Ce site m’a particulièrement marquée et touchée, par son aspect onirique d’un autre monde. Je vais donc vous raconter ma toute première visite, si vous le voulez bien.

Cimetière Oku-no-in à Koyasan
Cimetière Oku-no-in à Koyasan

A l’assaut du Mont Koya

C’était en 2015, lors de mon tout premier voyage au Japon. Koyasan était très haut sur la liste des sites à visiter. C’est la montagne sacrée du Japon après tout, avec plus d’une centaine de temples en son sein ! Je dois donc me débrouiller entre tous mes billets, tout faire pour ne pas me perdre, et garder mon sang-froid face au désordre résultant des dommages causés par un récent typhon dès le début du voyage. Heureusement, quelques heures plus tard, me voilà dans le train. Direction Koyasan : comme je suis curieuse de découvrir ce haut-lieu de la spiritualité bouddhique !

Le voyage jusqu’à Koyasan est splendide. Le train traverse les montagnes en serpentant à travers des villages baignés de soleil. Après la pluie, le beau temps ! Une fois à la gare de Gokurakubashi, le train ne peut pas aller plus loin. Descendre à cette gare est déjà un plaisir en soi, l’atmosphère religieuse est palpable avec les petites cloches bouddhiques accrochées partout, dont se dégagent des tintements cristallins.

C’est également là que commence le pittoresque : le trajet en funiculaire jusqu’à Koyasan est une aventure en soi. Ce funiculaire en escalier et peut contenir jusqu’à une centaine de voyageurs, il monte une pente abrupte de 637 mètres en seulement 5 minutes. C’est l’un des seuls funiculaires au monde à pouvoir atteindre une telle vitesse, et il est particulièrement impressionnant de le voir croiser son homologue qui, quant à lui, redescend la pente. Une fois en haut, un bus emmène les voyageurs jusqu’au site de Koyasan lui-même, en empruntant une route de montagne sinueuse plutôt étroite.

Nuit en ryokan et méditation à Koyasan

Ce soir-là, je dors dans le temple bouddhique Houon-in, qui propose un hébergement traditionnel japonais, appelé ryokan. C’est le cas de beaucoup d’autres temples à Koyasan. À mon arrivée, je suis vraiment émerveillée : voilà qui promettait d’être une expérience unique ! Les couloirs sont d’un calme sans précédent, les pièces semblent séparées par de simples feuilles de papier qui se déchireraient au moindre souffle. Pourtant, pas le moindre souffle… Je dois admettre que j’attends beaucoup de cette expérience, car c’est censé être l’un des moments forts de mon voyage !

La réservation de la chambre dans le temple comprend également un dîner et un petit-déjeuner végétariens, ainsi que la participation à la prière matinale avec les moines. Après une nuit plutôt agitée et peuplée de cauchemars (peut-être suis-je perturbée par toute cette spiritualité autour de moi finalement), je suis prête dès 5h30 pour la prière matinale et pleine d’espoir pour la journée à venir. Lorsque je rejoins la salle de prière, les moines récitent des sutras de manière monotone et chantante, comme vous pouvez l’imaginer si vous avez déjà entendu des moines psalmodier.

Nous avons ensuite la possibilité de participer à un cours de méditation donné par l’un des moines, en anglais, chose plutôt rare à l’époque ! Nous apprenons une méthode de méditation basée sur le bouddhisme ésotérique qui se déroule en trois étapes : stabilisation du corps, stabilisation de la respiration, et stabilisation de l’esprit. Cependant, la dernière étape étant très difficile à atteindre, nous nous sommes concentrés sur les deux premières. La pratique de la respiration s’est avérée particulièrement difficile pour moi, tout comme rester immobile avec le dos bien droit et concentrée pendant plus de quinze minutes. Nous avons finalement médité pendant 22 minutes, et bien que cela ait été difficile, je dois reconnaître que l’expérience fut très apaisante. Ça a peut-être été l’une de mes sessions de méditation les plus concluantes au cours de mes voyages.

Légendaire Oku-no-in

Mais venons en au fait, je vous ai promis l’Oku-no-in de Koyasan : le voici enfin ! Le cimetière bouddhique s’étend sur une superficie inconnue, à l’ombre des grands cèdres du Mont Koya. La découverte de tous ses recoins prendrait des heures et des heures. C’est un lieu étrange, où les tombes qui s’enchevêtrent sont recouvertes de mousse et de lianes, et s’étendent à perte de vue. La vision est plus qu’irréelle. Je suis fascinée par cette atmosphère.

Dans le cimetière Oku-no-in

Ce cimetière accueille les dépouilles de moines et nonnes bouddhistes, tandis que des bouddhas de toutes les tailles et formes veillent sur elles, dispersées dans la forêt. Les bouddhas ne sont pas sans rappeler les mystérieux Jizo de Kanmangafuchi à Nikko. J’ai l’impression de déambuler tel un fantôme, ne sachant plus très bien si c’est le lieu qui est fantomatique ou les gens qui le traversent. On ne sait plus si l’on se trouve dans le royaume des vivants ou celui des morts.

Un tel lieu, vous pouvez l’imaginer, regorge de légendes. Avec le petit groupe de voyageurs qui m’accompagne, je passe plus de deux heures à explorer les lieux : du mausolée de Kobo Daishi, dont la légende dit qu’il continue de prier pour nous jusqu’à la fin des temps, jusqu’aux tombes un peu particulières aux légendes effrayantes : il existe par exemple la tombe d’une nonne où l’on peut, dit-on, entendre les cris de l’enfer si on colle son oreille dessus (j’avoue ne pas avoir essayé, ce n’était pas un son qui me tentait vraiment). Mais il existe aussi des endroits moins sinistres, comme une pierre géante que l’on doit essayer de soulever. Selon les légendes, elle semble légère pour les personnes gentilles, tandis qu’elle semble beaucoup plus lourde pour les autres… J’ai vu certaines personnes ne pas réussir à la soulever du tout, mais je ne vous dirai pas si j’ai réussi ou non !

Ce périple à Koyasan et la découverte de ce cimetière mythique aura duré vingt-quatre heures. Vingt-quatre heures au cours desquelles j’ai eu le sentiment de voyager dans un tout autre monde. Vingt-quatre heures où j’aurai évolué, me semble t-il, un pied chez les vivants, un pied chez les esprits. C’est après ce voyage et les expériences qui m’ont semblé à la limite des deux royaumes que j’ai d’ailleurs décidé de me faire tatouer un torii, cette porte symbolique marquant le passage entre les deux mondes. Mais ceci est une autre histoire.

Okunoin Koyasan
Torii au cimetière Oku-no-in de Koyasan

Koyasan et l’Oku-no-in : informations pratiques

Comment se rendre à Koyasan ?
Deux possibilités s’offrent à vous : avec ou sans JR Pass, et en fonction de votre gare de départ. Je ne vais pas évoquer ici toutes les possibilités mais simplement, pour y arriver, il faut savoir que vous devez rejoindre la gare de Gokurakubashi afin de prendre le funiculaire de Koyasan. Cette dernière portion est l’unique chemin.

Quand aller à Koyasan ?
Je me suis rendue à Koyasan deux fois, l’une en plein été, l’autre à la fin de l’hiver. J’ai eu très froid la deuxième fois, mais cela ne nous a pas empêchés de visiter des temples et le cimetière. Je vous conseillerais néanmoins de choisir une saison plus clémente, en particulier si vous faites l’expérience du ryokan, où le chauffage n’est pas forcément très élevé.

Comment circuler à Koyasan?
Une fois arrivés à Koyasan, tous les trajets se font facilement à pied.

Se loger dans un temple à Koyasan (shukubo)
Vous pouvez désormais trouver des logements de type ryokan sur des sites tels que booking.com, mais alternativement, il est possible de se renseigner sur le site officiel de Koyasan. Le logement traditionnel au sein d’un temple s’appelle le shukubo.

Points d’intérêt
– Cimetière bouddhique d’Oku-no-in
– Le temple Kongobu-ji et son jardin de pierres
– Le temple Mie-do
– Le temple Danjo Garan

Cet article est une mise à jour d’un récit publié originalement sur mon autre blog A la Recherche du Pain Perdu.

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