Si vous avez des origines vietnamiennes, ou avez déjà visité le Vietnam en janvier-février, ou encore avez des amis vietnamiens, vous savez que le Nouvel an lunaire, appelé Fête du Têt en vietnamien, est la fête la plus importante de l’année. Cette année, il tombe le 10 février 2024, et nous entamerons une année du Dragon.
Les festivités durent plusieurs jours, il ne s’agit pas que du premier jour de l’année comme dans les pays occidentaux. Les préparatifs s’étalent alors sur plusieurs semaines, ce qui crée une effervescence incontrôlable dans tout le pays ! Les traditions autour du Têt sont nombreuses, ce qui explique pourquoi les Vietnamiens s’y attèlent très tôt.
C’est une merveilleuse célébration qui rassemble tout le monde, et au cours de laquelle la culture vietnamienne s’exprime de façon intense. J’ai eu l’occasion de voir tout cela de très près lorsque je vivais à Hanoi. Voici donc 10 choses que font les Vietnamiens pour accueillir la nouvelle année.
#1 Préparer sa maison pour accueillir la nouvelle année
Comme pour un grand nettoyage de printemps, il est primordial de chasser la poussière et les saletés. Cela permet de se débarrasser des mauvaises ondes et de l’éventuelle malchance de l’année qui se termine. Certains iront même jusqu’à repeindre ou rénover leur maison.
Ensuite, les décorations s’imposent. A Hanoï, c’est en particulier dans le Vieux Quartier et la rue Hang Ma, qu’on trouvera pléthore de décorations : certaines rues sont fermées à la circulation pour permettre au « marché du Têt » d’occuper l’espace. Il faut dire que cela augmente encore plus l’intensité du trafic, mais c’est un régal pour les yeux !
#2 Apporter la vie avec des fleurs
2ème étape après le grand nettoyage : on décore sa maison avec des arbres à kumquats (l’équivalent du sapin de Noël si on veut) et des branches de cerisiers en fleurs, mais aussi avec autant de fleurs fraîches que possible. Cela fait entrer la vie chez soi et dans la maison de ses proches.
La symbolique des kumquats
Les kumquats, particulièrement appréciés, sont en vente partout pendant la période du Têt : petits, moyens, grands, ils sont transportés dans toute la ville. Leur forme ronde symbolise l’harmonie et la couleur jaune-orangée porte bonheur.
La symbolique des branches de cerisiers
Les cerisiers quant à eux, sont offerts en branches par les particuliers, mais les magasins ou grandes entreprises achèteront carrément des arbres entiers. On donne aux arbres une forme arrondie ou « en goutte d’eau », ce qui symbolise la perfection et l’harmonie. Pour la petite anecdote, à Hanoï, un seul village produit ces cerisiers : ils sont reconnaissables à leurs fleurs dont le rose est plus foncé que les autres. Ce village se situe derrière le Marché au Fleurs d’Au Cô (Tay Hô).
La symbolique des orchidées
La nouvelle génération offre également des orchidées. Mais attention, pas n’importe lesquelles : les orchidées sont présentées sur plusieurs niveaux comme des pièces montées. Plusieurs couronnes d’orchidées se succèdent, en nombres impairs (ils portent bonheur). Il s’agit d’un des cadeaux les plus chers que vous pouvez faire !
#3 Accompagner le Dieu de la Cuisine vers le ciel
Le 23ème jour du dernier mois de l’année, la divinité de la Cuisine retourne au ciel pour faire son rapport à Dieu (le grand, le Chef). Et c’est très important, car c’est lui qui rapportera tout ce que vous avez fait au cours de l’année. Vous avez donc plutôt intérêt à bien l’accompagner si vous voulez mériter la clémence du dieu du Ciel.
Qui est le Dieu de la Cuisine ?
Les Vietnamiens considèrent la cuisine comme le feu, le foyer de la famille. C’est là que se rassemblent les membres de la famille, et si le feu est bien entretenu, alors la famille sera heureuse (et puis, une famille où l’on mange bien ne peut qu’être heureuse, non ? 😉 )
La légende raconte qu’il prendra son envol vers le ciel sur le dos d’un poisson rouge. C’est pourquoi ce jour-là, ou quelques jours avant, vous verrez sur les marchés des bassines pleines de poissons rouges : la tradition veut qu’on achète des poissons pour rendre hommage au dieu de la Cuisine, avant de les relâcher dans la rivière ou dans un lac. C’est une façon de lui souhaiter bon voyage…
Les trois autres divinités de la cuisine
Ce même jour, on achète aussi 3 petits costumes en carton rouge et doré. Cette fois, rien à voir avec le dieu lui-même, mais avec la stabilité du foyer. Ces trois costumes sont destinés à habiller 3 autres personnages qui résident également dans la cuisine des foyers vietnamiens. Ils montent au ciel le même jour, et on brûle ces costumes en même temps que la fausse monnaie et les papiers rituels pour rendre hommage aux esprits. Ces 3 personnages symbolisent le triple foyer dans lequel brûlait l’âtre avant que nous cuisinions avec des feux électriques !
#4 Le Banh Chung, gâteau de riz traditionnel du Têt
Le banh chung est le plat le plus populaire pour le Têt, et même si l’on peut le trouver aujourd’hui tout au long de l’année. Il s’agit d’un pavé de riz gluant fourré à la viande de porc et aux haricots mungo, enveloppé dans des feuilles de la dong (cela ressemble à des feuilles de bananier, mais en plus épais et solide). En fonction des régions du Vietnam, le banh chung sera plus où moins épais et épicé. Au Nord, il est carré et au sud, en forme de cylindre (banh tét).
Le banh chung est un plat du Têt parce qu’il est sensé rassembler la famille autour du foyer : traditionnellement, chaque membre de la famille se voit attribuer une tâche dans la préparation du gâteau de riz. La cuisson du banh chung prend ensuite toute une nuit, pendant laquelle les membres de la famille restaient ensemble à discuter autour du feu. Aujourd’hui, les enfants ont même une journée réservée à l’école durant laquelle ils enveloppent les banh chung dans les feuilles de la dong.
#5 Rendre hommage à ses ancêtres
Dans les maisons vietnamiennes se trouve toujours un autel où l’on rend hommage aux divinités et à ses ancêtres. A la fin de l’année, on invite les ancêtres dans la maison. En guise d’offrandes, on place des sucreries, et des fruits de 5 variétés différentes (cela symbolise l’abondance), de l’alcool, du sel et du riz. Ces offrandes, comme celles faites au dieu de la Cuisine précédemment, pourront être consommées plus tard.
On offre également aux ancêtres un costume doré (en carton), qui sera brûlé avec le papier rituel le 4ème jour de l’année, lorsque les ancêtres retourneront au ciel. Pendant ce temps, le costume restera dans la maison sur l’autel, avec le reste des offrandes (sur la photo, vous pouvez voir l’autel de la maison dans laquelle je vivais au Vietnam). L’hommage aux ancêtres est extrêmement important car les respecter rappelle non seulement l’importance de la famille mais permet aussi d’exprimer sa piété filiale, un concept très important dans les traditions confucéennes.
#6 Offrir présents et étrennes
En plus des fleurs, il convient d’offrir des cadeaux à sa famille et ses amis pendant le Têt. Au Vietnam, les magasins se remplissent de ce qu’on peut appeler des « paniers garnis » et de toutes sortes d’éditions spéciales de produits pour la fête. Parmi les cadeaux courants, on retrouvera des biscuits (d’énormes boîtes de biscuits rouges et dorées), des noix de cajou, du café, des pastèques (si en plus elles sont gravées, c’est encore mieux), ou encore du vin. Les enfants reçoivent des étrennes dans des enveloppes rouges, comme en Chine.
#7 Résoudre ses conflits avant la nouvelle année
Pour commencer l’année avec des bons sentiments et laisser derrière soi les conflits passés, certains cherchent à résoudre les disputes et conflits qu’ils ont pu avoir avec des membres de leurs familles, ou des collègues de travail.
Soulignons tout de même qu’en ville, la période donne lieu à une recrudescence de vols parce que tout le monde cherche à avoir plus d’argent pour acheter encore plus de cadeaux pour sa famille… L’esprit de paix pour le Têt, ça marche donc peut-être pour ses proches, mais clairement pas pour tout le monde.
#8 Célébrer le dernier repas de l’année en famille
Pour le Têt, les grandes villes comme Hanoï se vident, car tout le monde rentre le célébrer en famille. Le réveillon se passe autour d’un bon dîner. On trouve, parmi les plats populaires pour le Têt, le banh chung dont on a déjà parlé, mais aussi un poulet entier bouilli, des oignons marinés, de la saucisse vietnamienne (gio cha) qui ressemble à une sorte de pâté, du riz gluant rouge (xoi gac) préparé avec un fruit orange appelé « fruit céleste », ainsi que des noix et graines grillées.
#9 Se vêtir de neuf
Cela fait partie des choses que l’on fait pour accueillir la nouvelle année dans de bonnes conditions bien sûr. Encore une fois, il s’agit de laisser derrière soi l’ancien et se préparer pour le nouveau ! Et c’est du coup l’occasion de s’acheter une tenue flambant neuve.
#10 Bien organiser les premières visites de l’année
Il y a un ordre à suivre dans les visites à faire au début de l’année. On doit d’abord se rendre au temple (ce sera le temple bouddhique pour les Bouddhiste, l’église pour les Catholiques, puisque le Vietnam est tout de même une terre de syncrétisme) pour prier et honorer ses ancêtres. Ensuite, on rend visite à ses parents. Cela doit être fait le premier ou le deuxième jour de l’année. Puis, on rendra visite aux autres membres de la famille les jours suivants.
Selon le « song ngha », une tradition un peu compliquée et qui demande une certaine dextérité dans le choix des premiers invités de l’année, le chef de famille doit recevoir un invité dont le signe du zodiaque (asiatique) est compatible avec son propre signe. De fait, il existe plusieurs combinaisons de signes à connaître afin de choisir son premier visiteur. Et si j’ai bien compris, il faut également être au fait du signe de ses premiers visiteurs. Bon, j’avoue que je n’ai pas réussi à en savoir beaucoup plus sur cette tradition, et je ne sais pas non plus quel signe je devrais laisser entrer en premier chez moi cette année. Cela ne nous empêchera pas de nous retrouver entre amis pour fêter le nouvel an lunaire, comme chaque année !
Et pour finir, voici comment on souhaite la nouvelle année en vietnamien : Chúc Mừng Năm Mới ! Heureuse nouvelle année à tous !
Pour écrire cet article, j’ai travaillé avec mon amie Thao Quach, fondatrice du tout premier café sur la rue du train de Hanoi (désormais fermé) The Railway Hanoi, et la propriétaire de la maison que j’habitais alors, qui continuais de perpétuer les traditions familiales. Un grand merci à elles.
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